(Alexandre D’Astous)-18 milliards de dollars, c’est le montant que l’industrie manufacturière québécoise estime avoir perdu depuis deux ans en raison de la pénurie de main-d’oeuvre.
Au Bas-Saint-Laurent, ces pertes estimées atteignent 3 510 millions de dollars. La région se positionne d’ailleurs au deuxième rang des régions du Québec affichant les pertes économiques les plus élevées.
Cette conclusion préoccupante émerge de la tournée de consultations réalisée auprès d’entreprises manufacturières de 10 régions à l’échelle de la province menée par Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) et d’un sondage effectué auprès de 400 manufacturiers d’ici1.
Au Québec, comme dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, la situation est alarmante. Parmi les faits saillants touchants de la région, soulignons :
Faits saillants – Régions Bas-Saint-Laurent – Gaspésie Îles-de-la-Madeleine
?87,5 % des entreprises sondées ont dû refuser des contrats et/ou accumuler des retards de production dans les 2 dernières années à cause de la pénurie de main-d’oeuvre.
?629 des postes à combler sont dans la catégorie des salaires de 20 $/h à 29 $/h.
?25 % des entreprises sondées ont envisagé de déménager une partie de leurs activités à l’étranger ou de donner davantage de contrats en raison de la pénurie de main-d’oeuvre.
?Les régions de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine-Bas-Saint-Laurent souffrent davantage de la pénurie de main-d’oeuvre, affichant parmi les plus hauts taux de postes vacants.
« La pénurie de main-d’oeuvre est un frein à la relance économique. Combien d’argent le gouvernement est prêt à perdre dans les prochaines années? Combien d’entreprises devront refuser des contrats, délocaliser une partie de leurs activités à l’étranger ou réduire leur croissance ou fermer avant que l’on s’attaque à la pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur
manufacturier avec des mesures qui ont de l’impact? », mentionne Véronique Proulx, présidente-directrice générale de MEQ.
Des pertes préoccupantes, des besoins criants sur le terrain
Le constat est d’autant plus préoccupant du fait que la situation est généralisée à l’ensemble de l’industrie. En effet, 98,5 % des entreprises sondées affirment avoir besoin de main-d’oeuvre et 70 % d’entre elles disent refuser des contrats ou payer des pénalités de retards de production. Plusieurs doivent d’ailleurs ralentir leurs activités et certaines songent même à déménager leur entreprise.
Près d’une entreprise sur 4 a besoin de combler 20% ou plus de sa main-d’oeuvre. Dans les faits, ce sont les postes aux salaires entre 20 à 29 $ de l’heure qui sont le plus en demande dans le secteur manufacturier (49%). Parmi les postes les plus difficiles à combler se trouvent les postes de journaliers, d’opérateurs, de soudeurs, de machinistes, de manoeuvres, d’assembleurs, de techniciens, de mécaniciens et d’ingénieurs.
Rappelons que le secteur de la fabrication au Canada, au deuxième trimestre de 2021, a 65 905 postes vacants, dont 25 330 seulement au Québec, un record. Il y a ainsi 5 935 postes vacants de plus dans le secteur de la fabrication qu’au deuxième trimestre de 2019.
« Le bassin actuel de travailleurs actuel ne suffit tout simplement pas. Le gouvernement doit proposer des mesures spécifiques pour pallier la pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur manufacturier et aligner ses programmes au manufacturier pour avoir une vision d’ensemble concertée et cohérente qui aura un réel impact. C’est le temps d’agir! », explique M. Proulx.
D’ailleurs, dans le sondage de MEQ, 2 entreprises sur 3 croient que le gouvernement du Québec pourrait en faire beaucoup plus pour aider à régler le problème de pénurie de main-d’oeuvre.
Un objectif clair pour le gouvernement
Ainsi, MEQ demande au gouvernement du Québec de revenir au même nombre de postes vacants dans le secteur manufacturier qu’avant la pandémie. Il faut ainsi passer de 25 330 postes vacants (2e trimestre de 2021) à 16 425 (4e trimestre de 2019) et donc de diminuer d’au moins 8 905 le nombre de postes vacants dans le manufacturier québécois, d’ici un an.
D’ailleurs, MEQ effectuera une mise à jour de son sondage chaque année afin de mesurer l’évolution des impacts économiques et faire le point sur les différents critères évalués.
Des actions spécifiques au manufacturier doivent être mises en place
Pour ce faire, MEQ demande au gouvernement du Québec de mettre en place un plan d’action, le Grand Blitz pour le manufacturier, avec des mesures spécifiques pour le secteur. L’Association propose ainsi 13 mesures pour pallier la pénurie de main-d’oeuvre dont :
- – Accès plus
important aux travailleurs étrangers o Augmenter
les seuils d’immigration économique permanente et accélérer le processus
d’admission, en tenant compte des besoins du secteur manufacturier. Des délais
de 18 mois sont également demandés.
- o Accélérer l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires en faisant passer le délai moyen de traitement des dossiers à 9 mois.
- o Mettre en place, par région, des missions de recrutement international au sein des pays de la francophonie pour des emplois en demande dans le secteur manufacturier.
- – Formation et rétention de la main-d’oeuvre o Mieux appuyer et outiller les PME manufacturières qui font de la formation à l’interne.
- – Promotion et image du secteur manufacturier o Mieux faire connaître le secteur manufacturier auprès des clientèles éloignées du marché du travail.
- o Attirer les jeunes dans le secteur manufacturier
- – Automatisation et robotisation o Accentuer le soutien financier et l’accompagnement technique des entreprises manufacturières en matière d’automatisation et de robotisation.
« Le premier ministre Legault nous dit qu’il veut augmenter le volume de produits fabriqués au Québec. Pour ce faire, nous demandons au gouvernement de prendre des actions concrètes, spécifiques au secteur manufacturier, et ce, dès maintenant. Il faut aligner les programmes gouvernementaux sur les besoins des manufacturiers si nous voulons augmenter notre empreinte manufacturière », conclut Mme Proulx.
Photo: Véronique Proulx (Photo courtoisie)