(Alexandre D’Astous)-Réunis à l’Assemblée nationale pour une conférence de presse, le député de Matane-Matapédia et porte-parole du Parti Québécois en matière de langue française, Pascal Bérubé, et le Regroupement pour le cégep français déplorent que l’adoption du projet de loi no 96 se soit faite sans qu’on ait étendu les clauses scolaires de la Charte de la langue française au niveau collégial.
Pour eux, cette omission constitue une grave erreur, puisque cela pérennise un statu quo anormal et néfaste pour le français. Le Parti Québécois et le Regroupement assurent qu’ils poursuivront leur lutte jusqu’à ce que l’extension de la loi 101 au cégep mette fin au régime collégial à deux vitesses.
« Ça fait plusieurs mois qu’on le dit : le projet de loi no 96 n’agit pas sur l’essentiel. Si le gouvernement était sérieux dans sa volonté de protéger le français, il aurait inclus la loi 101 au cégep dans son projet de loi, comme le proposaient Guy Rocher et tous les experts venus témoigner en commission. C’est un rendez-vous manqué, et le Parti Québécois va continuer le combat », a promis Pascal Bérubé.
N’empêche pas les jeunes de s’angliciser
Selon le Regroupement, le projet de loi no 96 n’empêchera pas une partie importante des jeunes francophones et allophones de s’angliciser dans les cégeps anglophones, comme une étude de Statistique Canada l’a récemment démontré. Par ailleurs, en plafonnant le nombre de places disponibles dans les cégeps de langue anglaise, le gouvernement de la CAQ contribue paradoxalement à alimenter le mythe de la supériorité des cégeps anglophones, puisque ces derniers devront resserrer encore davantage leurs critères de sélection.
Gabriel Coulombe, professeur d’économie au Cégep Garneau, rappelle qu’il existe une disproportion majeure entre le nombre de places en anglais dans le réseau collégial et le poids démographique réel de la population anglophone. « Dans le secteur préuniversitaire à Montréal, les cégeps de langue anglaise diplôment 52 % des effectifs totaux, alors que la proportion d’anglophones qui résident sur l’île de Montréal est de 17 %. Au cours des 30 dernières années, les cégeps anglophones de la métropole ont profité de 95 % de la hausse totale des étudiants inscrits au collégial », note-t-il.
Un système à deux vitesses
Pour Sébastien Mussi, professeur de philosophie au Collège de Maisonneuve, le gouvernement est en train de reproduire la dynamique qui prévaut aux niveaux primaire et secondaire entre les réseaux privé et public, mais en fonction de la langue. « Nous nous retrouvons devant un système à deux vitesses qui dévalorise les diplômes émis par les établissements francophones et qui accentue l’élitisation du réseau anglophone. Refuser d’appliquer la loi 101 au cégep, c’est continuer de financer la course à l’anglicisation des études collégiales, publiques et privées. »
Nicolas Bourdon, professeur de littérature au Collège Bois-de-Boulogne, explique que l’extension de la loi 101 au cégep pourrait s’appliquer progressivement, dans le respect des employés du réseau anglophone et des parcours scolaires déjà entamés, comme ce fut le cas en 1977. « Nous ne remettons pas en cause l’existence des cégeps anglophones, mais plutôt leur droit à une expansion sans limites. Rien n’empêche les établissements anglophones d’offrir un plus large éventail de cours en français ou de devenir bilingues, ce qui permettrait notamment à plusieurs professeurs francophones de travailler dans leur langue maternelle, plutôt que de devoir enseigner en anglais à une majorité d’étudiants francophones et allophones », a-t-il suggéré, tout en rappelant que les anglophones sont minoritaires depuis 25 ans dans les cégeps de langue anglaise.
Le Regroupement pour le cégep français est constitué de professeurs de diverses tendances politiques, réunis par leur volonté commune de défendre, de promouvoir et de valoriser la langue française. Tendant la main à toutes les formations politiques qui ont à cœur la protection de la langue française, le Regroupement est porté par l’élan de 34 assemblées syndicales de professeurs de cégep, qui se sont prononcées pour l’extension des clauses scolaires de la Charte de la langue française au niveau collégial.
Photo: Le député Pascal Bérubé. (Photo Alexandre D’Astous)