(Alexandre D’Astous) Pendant que le phénomène de la violence conjugale est amplifié par la pandémie et les mesures sanitaires qui en découlent, Juripop note un manque d’avocats spécialisés dans ce domaine, particulièrement dans les régions éloignées où se retrouve le plus grand nombre d’infractions par 100?000 habitants.
Selon Juripop, un organisme offrant des services à coûts moindres, l’accès à des avocats « spécialisés » pour les victimes de violence conjugale est plus important que jamais partout au Québec alors que les taux régionaux d’infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal ne cessent d’augmenter.
« Cette problématique d’accès fait en sorte que plusieurs victimes de violence conjugale doivent faire plusieurs heures de route afin d’avoir accès à un avocat spécialisé ou encore elles devront faire les consultations par téléphone, avec un avocat des grands centres », indique Me Justine Fortin, avocate chez Juripop.
Une moyenne de 268 infractions par 100?000 habitants
Juripop signale que la moyenne québécoise est de 268 infractions en matière de violence conjugale par 100?000 habitants, et que c’est sur la Côte-Nord que le taux est le plus élevé avec 590 infractions par 100?000 habitants. Le Bas-Saint-Laurent fait assez bonne figure avec 221 infractions par 100?000 habitants. L’Estrie présente le plus faible taux avec 171, à l’opposé la Côte-Nord qui elle est suivie par l’Abitibi (409) et l’Outaouais (351).
Améliorer l’accès à un avocat
Après avoir demandé quels sont les besoins juridiques des personnes victimes de violence conjugale à une cinquantaine d’organismes rencontrés au courant des neuf derniers mois par Juripop, les organismes ont répondu unanimement qu’il fallait améliorer l’accès aux avocats, mais aussi que ces derniers devaient recevoir des formations adaptées aux réalités de la violence conjugale.
C’est pourquoi Juripop lance une formation spécialisée pour les avocats en violence conjugale. « Nous avons consulté plusieurs avocats spécialisés en droit de la famille pour monter une formation de 24 heures. Cela va nous permettre de créer une banque d’avocats formés qui pourra être utilisée comme référence par les victimes », explique Me Fortin.
Une première formation a eu lieu le 24 février par Zoom. Elle a été suivie par 270 avocats, dont huit du Bas-Saint-Laurent. D’autres formations sont prévues les 28 avril et 22 mai. « La formation sera aussi disponible bientôt en ligne », précise Me Fortin.
Hausse de 40 %
Selon Me Fortin, le nombre de cas serait en hausse de 40 % depuis 2015. « Les gens dénoncent plus, ce qui est bien, mais la pandémie laisse des traces. Les récents homicides ne sont que la pointe de l’iceberg. Il y a un véritable problème de santé publique », lance-t-elle.
La pandémie empire les choses. « Les victimes se retrouvent isolées dans une relation qu’elles n’arrivent pas à quitter. Quand la situation reviendra à la normale, et qu’elles voudront quitter, les risques vont augmenter. Les conjoints violents n’aiment pas perdre le contrôle. Les intervenants sont aux aguets », assure Me Fortin.
Photo : Me Justine Fortin, avocate chez Juripop. (Photo : courtoisie de Juripop)