(Alexandre D’Astous) La violence conjugale et la violence sexuelle sont des enjeux répandus dans l’ensemble du Québec, mais l’accès à des avocats spécialisés en la matière est beaucoup plus difficile dans les régions que dans les grands centres.
La directrice générale de Juripop, Me Sophie Gagnon, explique qu’un avocat doit revoir complètement sa façon de pratiquer le droit quand l’élément de violence conjugale est présent dans un dossier. Pourtant, aucun cours sur ces sujets n’existe dans tout le parcours d’un étudiant en droit.
Depuis plusieurs mois, Juripop donne des formations à des avocats dans toutes les régions du Québec afin de les sensibiliser aux particularités des dossiers où il y a de la violence conjugale ou de la violence sexuelle, et ce, pour mieux accompagner les victimes.
« Pendant la pandémie, nous avons mis en place une ligne d’information téléphonique pour répondre aux questions. On s’attendait à des questions sur les impacts du confinement sur les droits de garde, mais nous avons eu plus de questions générales n’ayant pas de rapport avec la pandémie, par exemple, si une mère violentée doit dire à son agresseur où elle se trouve ou si elle peut quitter la résidence avec ses enfants. Ça nous a confirmé qu’il y a des manques à combler », souligne Me Gagnon.
Des avocats motivés à s’outiller
À travers ces formations, Juripop n’a pu que constater l’ampleur des besoins et la motivation des avocats à s’outiller et à adapter leurs façons de faire. L’organisme a donc mis sur pied son JURI RDV, soit une journée complète qui aborde différentes questions : l’interaction avec les personnes victimes de violence conjugale; l’enfant victime de violence conjugale et son meilleur intérêt; l’importance de la concertation sociojudiciaire : s’entourer permet de mieux travailler; le contrôle coercitif et les violences post-séparation; la rédaction de procédures de droit de la famille et de plaidoiries en contexte de violence conjugale et la fatigue de compassion et trauma chez les professionnels.
Un premier JURI RDV
La première présentation du JURI RDV s’est tenue le 28 octobre. « Nous étions limités à 130 participants. Nous avions des gens de toutes les régions du Québec. Nous allons récidiver en octobre 2023, mais cette fois avec 300 participants », précise Me Gagnon.
Cet événement présente des conférences et des ateliers sur la pratique en contexte de violence conjugale et de violence à caractère sexuel conçus pour les juristes et autres professionnels du droit, mais accessibles à toutes les personnes amenées à accompagner des personnes victimes et survivantes.
Changer sa façon de pratiquer le droit
Avec cet événement s’inscrivant dans le mandat confié à Juripop par le ministère de la Justice du Québec, qui consiste notamment à proposer des solutions innovantes pour améliorer le parcours judiciaire des personnes victimes, Juripop souhaite créer un changement dans la façon dont les avocats de partout au Québec pratiquent le droit en contexte de violence conjugale. Le rapport « Rebâtir la confiance »souligne d’ailleurs l’importance que les avocats adaptent leur pratique lorsqu’ils accompagnent une personne victime.
« Cinq ans se sont écoulés depuis le début du mouvement #MoiAussi. Depuis, de nombreuses personnes victimes et survivants ont répété, avec raison, le besoin d’être accompagnées par des avocats sensibilisés aux réalités des violences conjugale et sexuelle. Le JURI RDV témoigne de l’engagement de la communauté juridique à transformer ses pratiques pour assurer la confiance des personnes victimes envers nos institutions, et nous en sommes très fiers », indique Me Gagnon.
Rebâtir la confiance des victimes envers le système de justice
« Nous sommes tous habités par un objectif commun : rebâtir la confiance des personnes victimes envers le système de justice. Le gouvernement du Québec en a fait une priorité nationale. La mise en œuvre d’un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale en témoigne. Un véritable changement de culture s’imposait et il est en cours afin de mieux soutenir et accompagner les personnes victimes tout au long de leur parcours. Nous tenons à saluer l’initiative de l’organisme Juripop qui contribuera certainement au développement des meilleures pratiques », déclare le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barette.
Fondé en 2009, Juripop a pour mission d’assurer l’accès à la justice dans le but de garantir le respect, l’autonomie et la dignité des personnes, et de contribuer à l’atteinte d’une société juste, égalitaire et inclusive.
Photo: La directrice générale de Juripop, Me Sophie Gagnon. (Photo courtoisie)