(Alexandre D’Astous)-Le 2 novembre marquera la 14e Journée internationale pour le droit de mourir dans la dignité.
Depuis sa création, la loi a beaucoup évolué, rendant l’aide médicale à mourir (AMM) légale d’abord, puis simplifiant son accès. Aujourd’hui, les différentes commissions provinciales et fédérales continuent de se questionner. Quels sont les points en débat ? L’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité résume la situation.
Maladies neurodégénératives cognitives
La maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer comptent parmi les exemples les plus connus de maladies neurodégénératives cognitives. Celles-ci entraînent une détérioration progressive et permanente du cerveau, et donc une dégradation des capacités cognitives. Dans l’état actuel du droit au Québec, les patients touchés par ces maladies neurodégénératives cognitives peuvent bénéficier de l’aide médicale à mourir tant qu’ils sont aptes à la demander, c’est-à-dire en pleine possession de leurs moyens intellectuels et donc avant que la maladie n’ait fait toute son œuvre.
Or, la condition de l’aptitude est un obstacle pour nombre d’entre eux, qui aimeraient bénéficier de l’aide médicale à mourir, plus tard, lorsqu’ils auront justement perdu leurs facultés cognitives. En effet, la loi ne les autorise pas à faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir.
Les membres de la Commission spéciale concernant l’évolution de la loi sur les soins de fin de vie travaillent actuellement sur ce sujet. Ils devraient livrer leur rapport en décembre 2021. Au fédéral, la question sera également posée prochainement, selon la modification du Code criminel du printemps 2021. « Aucune personne souffrant d’une maladie neurodégénérative cognitive ne devrait vivre ses dernières années de lucidité dans la crainte d’une fin de vie en souffrance, ni avoir peur de perdre sa dignité en même temps que sa lucidité », défend Georges L’Espérance, neurochirurgien, prestataire de l’AMM et président de l’AQDMD.
Troubles de la santé mentale
L’autre sujet étudié à la fois au provincial et au fédéral est l’ouverture de l’aide médicale à mourir aux personnes touchées uniquement par un trouble de santé mentale. Les problèmes de santé mentale, par exemple la dépression sévère chronique réfractaire ou la schizophrénie, touchent la sphère psychique et pour le moment, aucune origine organique n’est connue. Aujourd’hui, les patients qui souffrent d’un trouble de santé mentale (seul) ne sont pas admissibles à l’aide médicale à mourir. « Pourtant, il s’agit bien de maladies réelles qui amènent des souffrances réelles, parfois intolérables et résistantes à tout traitement », contextualise Georges L’Espérance.
Le Code criminel fédéral prévoit la recherche de balises pour ouvrir cette possibilité, tandis que la Commission provinciale a entendu de nombreux experts sur cette problématique. Les prochains mois devraient permettre d’en savoir davantage sur l’évolution de l’accès à l’AMM pour les personnes concernées. « Actuellement, la loi est discriminatoire car certains patients se voient refuser l’accès à un soin tel que l’aide médicale à mourir en raison d’un diagnostic. Les questions qui se posent sont légitimes, mais il faut trouver des critères clairs », rappelle Georges L’Espérance.
Mineurs matures : une question urgente
Aujourd’hui, un mineur qui remplit tous les critères hormis celui de l’âge doit patienter jusqu’à sa majorité pour pouvoir bénéficier de l’AMM. Cela signifie qu’un mineur de 17 ans et demi se voit refuser l’AMM malgré ses souffrances, mais qu’une fois son anniversaire de 18 ans arrivé, il peut en faire la demande. Même si le sujet est sensible, il doit être abordé et des balises doivent être posées, notamment pour définir la capacité de décision autonome du mineur. L’AQDMD est d’avis que l’AMM doit être étendue aux mineurs matures entre 12 et 18 ans, si, bien sûr, ils rencontrent tous les critères : maladie grave et incurable, qui apporte un déclin avancé et irréversible des capacités et qui leur donne des souffrances physiques ou psychiques ou existentielles intolérables.
Alors qu’au fédéral, le Code criminel prévoit un bref délai pour que le gouvernement étudie la question de l’accès à l’AMM pour les mineurs matures, ce sujet n’est pas abordé au niveau provincial.
« Faire cesser les souffrances de ceux qui n’en peuvent plus de seulement exister sans la vie active et les valeurs de dignité qui les ont toujours animés doit être un objectif humaniste moral tout autant que légal, sans discrimination basée sur le diagnostic ou l’âge. Cette 14ème Journée internationale pour le droit de mourir dans la dignité est l’occasion de le rappeler », conclut Georges L’Espérance.
Photo: Georges L’Espérance (Photo courtoisie)