(OPINION DU LECTEUR)-Que ce soit les révélations de l’émission Enquête, la flambée des prix du bois d’œuvre, ou la sélection des zones de territoires protégés, la forêt revient souvent à la une et je constate que, malheureusement, cela présente un portrait peu reluisant de cette richesse collective, qui devrait être l’objet de notre plus grande estime et de notre première considération.
La forêt appartient à l’ensemble des Québécoises et des Québécois. Pourtant, jamais autant qu’aujourd’hui, n’avons-nous eu l’impression d’en être dépossédés.
J’écris ceci en tant que travailleur du papier pendant plus de 30 ans, mais aussi en tant que président de la Fédération de l’industrie manufacturière de la CSN (FIM–CSN). Notre organisation syndicale représente plus de 5?000 travailleuses et travailleurs de la forêt, présents dans toutes les sphères du secteur, des travaux de sylviculture aux produits finis, incluant les scieries, les usines de papier et les autres usines de transformation.
Nos membres sont préoccupés depuis plusieurs décennies par l’effet des crises conjoncturelles et structurelles, comme la disparition des journaux et la diminution de l’utilisation du papier dans les communications, qui bouleversent le secteur de la forêt et précarisent des pans entiers de notre industrie forestière. Cela met à risque des centaines de bons emplois dans des régions où ils ne sont déjà pas légion. Beaucoup d’employeurs se tournent vers de nouveaux créneaux et tentent de maintenir les emplois. Il faudra les encourager dans cette voie, vers une transition juste.
Nous trouvons inacceptable que notre ressource la plus précieuse ne fasse pas l’objet de plus de considération de la part des gouvernements. Bien sûr, ces derniers sont prêts à soutenir les projets de développement et de transformation pour les usines déclassées, mais ils manquent cruellement de vision sur la façon d’assurer une utilisation durable, profitable et responsable de cette richesse. Elle doit bénéficier aux communautés forestières par la création de bons emplois, mais aussi au reste du Québec, par l’accessibilité à notre territoire forestier et par la cohésion entre son usage et sa conservation. L’état dans lequel nous laisserons la forêt sera le gage de la considération que nous avons pour nos enfants.
La concentration des leviers décisionnels devra assurément être revue pour assurer que les communautés et les travailleurs puissent intervenir dans les choix et les orientations qui touchent leur forêt et son utilisation. Cela doit se faire avec l’objectif de maintenir nos emplois partout au Québec et d’assurer la pérennité de cette richesse collective.
Alors que tout un chacun exige que des actions soient posées pour aller dans le sens qu’il privilégie, nous sommes d’avis que l’heure est à la réflexion, à la concertation et au dialogue. La FIM–CSN souhaite que le gouvernement du Québec tienne dans les meilleurs délais un sommet national sur la forêt qui rassemblera l’ensemble des intervenants du milieu : des représentants de l’industrie, des associations de travailleuses et de travailleurs, les communautés autochtones et forestières, des scientifiques, des organismes environnementaux, des groupes citoyens, et, bien sûr, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. L’objectif doit être de s’assurer que la fibre qui pousse en forêt permette de tisser des liens entre les différents usagers, afin de trouver un juste équilibre entre production et conservation et ainsi renforcer nos économies locales et régionales. Et cela passe par la mise en place d’une stratégie industrielle forestière durable.
Cette fibre est le meilleur de nous-mêmes, c’est une richesse convoitée. Elle a permis d’occuper le Québec dans toute sa beauté. Ensemble, nous avons le devoir de la valoriser et de la pérenniser afin qu’elle profite à l’ensemble des Québécoises et des Québécois, aujourd’hui et demain.
Par Louis Bégin
Président de Fédération de l’industrie manufacturière–CSN
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