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Un rapport d’enquête décevant

OPINION DU LECTEUR

 

Dans le dernier bulletin municipal de Saint-Simon, j’ai partagé mes premières impressions concernant la publication du rapport d’enquête de la Commission municipale du Québec (CMQ) concernant les circonstances qui ont conduit à la fraude de 305 000 $.

Pour résumer brièvement, je m’étonnais de ce que le rapport semblait suggérer, en particulier, que l’ancien maire de la municipalité aurait cru qu’exiger de voir les documents financiers constituait une ingérence. Cette croyance, selon le rapport, lui aurait été inculquée par une tierce personne qualifiée, mais non nommée. Autrement dit, une personne dont le statut ou la réputation lui aurait conféré une crédibilité particulière sur la question.

Pour ma part, je trouve cette affirmation non seulement difficile à accepter, mais aussi profondément inquiétante. Peut-il exister une personne dans notre milieu municipal, soi-disant » qualifiée », capable d’induire nos élus en erreur à ce point? Qui est cette personne, et pourquoi ne sommes-nous pas informés de son identité?

Récemment, un ancien employé de la municipalité a fait circuler une lettre dans laquelle il me reproche, à la suite de mes commentaires dans le bulletin municipal, d’avoir injustement accusé l’ancien maire, sans évoquer la responsabilité des autres élus dans cette affaire. Je tiens à saisir cette occasion pour rectifier cette fausse impression.

Que dit exactement le rapport d’enquête?
Le rapport nous apprend qu’au cours de leur mandat, l’ancien maire et les membres du conseil municipal posaient fréquemment des questions à la direction générale concernant les finances de la municipalité. À chaque fois, la direction répondait que « tout allait bien ». Pourtant, les membres du conseil n’ont jamais pu obtenir les documents nécessaires pour vérifier ces affirmations.

Le rapport indique aussi que l’ancien maire a consulté un tiers qualifié pour obtenir des éclaircissements sur ses pouvoirs en matière de surveillance et de contrôle des affaires municipales. Cette personne lui aurait affirmé qu’il n’était pas possible d’obliger la direction générale à transmettre des documents pour valider les informations fournies, qualifiant une telle demande d’ingérence. Et ce, même si c’est clairement édicté dans la loi, tel que le cite le rapport :
Ainsi, selon le rapport, l’ancien maire aurait été convaincu par ce tiers qu’exiger la communication des documents financiers constituait une ingérence. Mais qu’en est-il des autres élus? Qu’ont-ils demandé, exigé même, sans fin de recevoir? Voyons ce que dit le rapport à leur sujet.

La responsabilité collective des élus
Il est rappelé dans le rapport que les membres du conseil ont la responsabilité de s’assurer qu’ils disposent de toutes les informations nécessaires avant d’approuver des transactions financières. Aucune raison valable ne justifie qu’ils s’abstiennent d’exercer leur rôle de fiduciaires de l’argent public.

Le rapport souligne que, mois après mois, les dépenses de la municipalité ont été approuvées par le conseil. Mais les
six élus qui étaient en fonction à l’époque ont-ils cru, collectivement, qu’il n’était pas de leur devoir de demander à voir les comptes avant de les approuver?

En tant que maire depuis peu, il m’a été répété sans cesse, et enseigné dans la formation obligatoire que suivent tous les élus — y compris le maire —, que le principal pouvoir d’un maire consiste à poser des questions à l’administration, à demander des documents, et à exiger des réponses. Le conseil est le véritable chef de la municipalité, et toutes les décisions doivent être prises en séance publique. Mon prédécesseur, qui possède un diplôme universitaire et dirige une entreprise prospère, a-t-il vraiment cru, comme semble le suggérer le rapport, qu’il ne pouvait pas demander à voir les comptes, y compris ceux des cartes de crédit de la municipalité, qui ont financé des achats de lingerie ou des vacances familiales au Château Frontenac? Cela me semble difficile à croire. Le rapport laisse entendre qu’il aurait été naïvement influencé. Est-ce cela que nous sommes censés croire? Sinon, quelles sont les véritables raisons de cette situation?

Les autres élus : négligence ou impuissance?
Les six autres conseillers sont également pointés du doigt dans ce rapport. L’un d’eux a d’ailleurs déjà occupé un poste de direction générale dans une autre municipalité de la région. Il connaît parfaitement les obligations des élus en matière de contrôle des finances. Je l’ai entendu dire à plusieurs reprises qu’il ne pouvait prendre aucune décision sans avoir accès à ces informations essentielles. Alors, comment expliquer que les conseillers se soient collectivement, solidairement abstenus d’exiger la documentation nécessaire aux prises de décision? Ont-ils tous capitulé sans résistance? Ou ont-ils été impuissants à faire quoi que ce soit pour régler une situation hors de leur contrôle?

Un enquêteur de la CMQ m’a rappelé qu’en tant que conseil municipal, ils avaient le pouvoir d’exiger à tout moment ces documents. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait? S’agissait-il d’insouciance, ou de négligence comme le laisse croire le rapport? Ou, au contraire, y a-t-il des éléments sous-jacents qui sont ignorés? Personnellement, je ne crois pas qu’ils ont été insouciants ni négligents. Je crois qu’ils devaient se débattre dans une situation ingérable.

Un climat de confusion et de méfiance
Nous savons tous, nous les Simoniens, que la municipalité de Saint-Simon traverse une période de chamboulements importants depuis plusieurs années, et ça perdure. Les directions générales se succèdent à un rythme inquiétant, des employés quittent en claquant la porte, et l’administration fonctionne souvent à huis clos, loin des regards citoyens. Les tensions entre élus sont fréquentes, et il est difficile de croire que ce climat de méfiance n’a pas joué un rôle dans l’issue de cette affaire.

Comment expliquer que seuls le manque de vigilance de l’ancien maire et la négligence des conseillers soient pointés du doigt, sans que l’on évoque les autres facteurs en jeu? Pourquoi ne mentionne-t-on pas les tensions internes, les rivalités et les pressions qui peuvent exister dans de petites municipalités comme la nôtre? Des tensions qui mènent parfois jusqu’à des démissions en bloc. Ce climat malsain, caractéristique de nombreux petits villages, est bien souvent un terreau fertile pour des comportements improductifs et irrationnels.

C’est cet aspect du problème que j’attendais de voir traité par le rapport d’enquête. J’aurais voulu que la Commission municipale nous éclaire sur les raisons profondes de ce dysfonctionnement. Mais au lieu de cela, nous nous retrouvons avec un rapport qui semble ignorer ces éléments essentiels. C’est pourquoi je suis profondément insatisfait de cette enquête. Il me semble qu’elle nous laisse dans l’incertitude, en nous renvoyant à nos éternelles querelles de village sans aucun moyen de nous en sortir, sauf par nos propres moyens bien limités.

Cet ancien employé, dont la lettre circule, m’a reproché d’être trop critique envers l’ancien maire, et de ne pas jouer un rôle de rassembleur. Mais quel rassemblement peut-on espérer lorsque certains cherchent visiblement, depuis déjà trop longtemps, à contrôler et à manipuler la situation à leur avantage? Que puis-je faire avec un rapport d’enquête dans les mains qui élude les véritables causes de cette tragédie?

Conclusion : un manque de transparence
Ce rapport est un miroir déformant de la réalité de notre municipalité. Il ignore les tensions internes, les conflits d’intérêts et les pressions qui ont conduit à cette situation. Je ne peux que m’interroger : à qui profite ce flou, et pourquoi cette enquête a-t-elle éludé les questions qui comptent vraiment pour notre communauté, en particulier concernant le dysfonctionnement que nous avons observé de l’appareil municipal?

Je reste convaincu qu’il y a plus à découvrir, mais ce n’est pas seulement à moi de poser les questions qui nous aideront à comprendre ce qui s’est réellement passé. Et on a 305,000 bonnes raisons de le faire.

Denis Marcoux, maire
Saint-Simon-de-Rimouski