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Raconte-moi Les Basques

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Photo: patinoire rue Père-Nouvel vers 1930. Source: Société d’histoire et de généalogie de Trois-Pistoles –

Par Gabrielle Rousseau et Vickie Vincent pour Le bruit des plumes – Recherche : Karine Vincent pour Les Compagnons de la mise en valeur du patrimoine vivant de Trois-Pistoles

 Prière du patineur
En 2015, sous l’initiative de la politique culturelle de la MRC des Basques, les Compagnons de la mise en valeur du patrimoine vivant de Trois-Pistoles mettaient en branle un projet d’enquête patrimoniale. De dévoués enquêteurs sont partis à la chasse au trésor à travers la MRC pour extirper des fonds des tiroirs de précieux bouts de souvenirs, des instants d’incurable nostalgie, de grands moments de bonheur oublié. Porteuse de ces histoires, l’équipe vous propose de suivre sa chronique où elle présente le fruit de ses recherches en vous racontant Les Basques.

Pour les habitants de la MRC des Basques, la patinoire extérieure a longtemps joui d’un statut d’activité sacro-sainte, de tradition intouchable. On aurait même eu ouï-dire, dans le brouhaha des échos de cabane de fortune, que patiner constituait un joyau patrimonial sur un pied d’égalité avec la religion elle-même. Et si ces irréductibles patineurs du passé, du littoral jusqu’au Haut-Pays, égayés par la vue d’une folle première neige, s’agenouillaient et rassemblaient leurs mains pour prier une divinité des glaces? Qu’implorerait leur prière?

Ô Grand Saint Protecteur des patinoires,

Par l’arrivée des froids hivernaux mettant fin à la latence des patineurs impatients et engourdis, nous te demandons…

De poser ton œil bienveillant sur tous ces chausseurs de lames, des plus blindés aux plus frêles, des plus aguerris aux plus maladroits.

D’influer sur les eaux endormies du lac Saint-Mathieu afin qu’une fois de plus cette année, il déborde d’enthousiasme et nous offre une patinoire naturelle juste assez précoce pour atténuer nos ardeurs de glisse quotidienne.

D’insuffler l’énergie nécessaire pour que de décembre à avril, les cœurs vaillants, bras robustes et nez rougeauds des pelleteux et glaceux de Saint-Éloi demeurent infatigables malgré les mouvements de pelle répétitifs et la lourdeur des seaux d’eau glaciale.
De modérer la rivalité amicale mais vivace qui perdure de saison en saison, de partie en partie, lorsque Saint-Jean-de-Dieu déclarera la guerre de la
puck à Saint-Guy, lorsque le rang Sainte-Anne alimentera la flamme de la victoire face au rang Sainte-Marie.

D’imposer l’harmonie entre patineurs du dimanche, amoureux courtisans, hockeyeurs insatiables, fringants vieillards et bambins curieux, pour que tous aient droit à leur moment de gloire, défiant les éléments de l’anneau de glace pistolois et suivant la cadence des valeureux musiciens.

D’attiser la chaleur au cœur des participants du patinothon de Notre-Dame-des-Neiges, ces tenaces «?braveurs?» du temps, dompteurs du froid, qui s’aliènent à tourner en rond, stimulant les gageures au profit de leur patinoire bien-aimée, pour quel celle-ci renaisse lorsque l’automne prochain s’éteindra.

D’encourager la frénésie lorsque la patinoire de Saint-Clément sera l’hôtesse d’une traditionnelle kermesse, où Clémentois et Clémentoise passeront incognito le temps d’une soirée alors qu’ils sillonneront une glace aux allures de carnaval, leurs visages sous des masques festifs, leurs silhouettes virevoltantes sous des déguisements colorés.

D’apporter chance et bons conseils à Saint-Simon, où la patinoire déménagera pour une cinquième fois, ballottée d’est en ouest au gré des décideurs, des intempéries et des fantaisies, mais jamais abandonnée et toujours accueillante, pour le grand bonheur de ceux qui parcourent des miles pour y entendre un patin mordre la surface.

D’habiter l’esprit sportif des Franlageois et Franlageoise, qui enfilant patins ou bottines, maniant bâtons ou balais, chassant rondelle ou balle, s’emballeront à s’en époumoner, hommes et femmes, petits et grands se mélangeant sans gêne jusqu’à ce que les lumières s’éteignent sur leurs échanges sans lendemain.

Et enfin, nous te demandons d’abrier ces étangs isolés, rivières secrètes, fonds de cour et bouts de rangs qui se transformeront en lieux de rassemblement populaires, espaces de défoulement et de rire, théâtre vivant de souvenirs indélébiles, de joutes endiablées et de sauts périlleux.

Amen.

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